C’est le cinquième et dernier jour de travail avec les Archanges. C’est toujours un temps de recueil et de profonde intériorisation et cette fois ci, j’ai touché l’ennui en moi. La peur de m’ennuyer dans mon activité si je ne trouve pas le moyen de varier les natures.

« Laisse  Nous t’offrir ce cadeau de départ, nous allons te montrer ce qu’est l’ennui pour toi . »

Je vois à travers les yeux de l’enfant que j’étais. J’ai 7 ou 8 ans. Je suis assise au bord de la Marne, à côté d’un vieux pêcheur, Monsieur Ben.

C’est un vieil indien, un ancien soldat américain qui fusillait l’ennemi depuis l’arrière des avions.

Il conduit une coccinelle verte presqu’ aussi vieille que lui. Lorsqu’il en sort, il semble se déplier et sa haute stature  s’ébranle, jetant en avant tout d’un bloc, son épaule, son bras, sa hanche et sa jambe droite, puis  l’autre côté de lui, tout d’un bloc.Il est gigantesque..Qu’est il venu me livrer ?

Je le vois marcher dans ma direction, à pas lents, mais à pas de géant.Il semble sortir de nulle part, et n’avoir pas vraiment conscience du « temps ». Il a quelque chose d’irréel, j’aime sa présence, il est la sagesse incarnée. Il vient m’enseigner.

Je vois le grand chef Sioux qu’il a été. J’étais sa fille. Il m’a offert tout son Amour et sa considération pour moi était telle qu’il m’a transmis ce qui se transmet généralement de père en fils, l’art de  chasser et celui de fumer.

Dans cette vie-ci, celle d’où je vous parle du haut de mes 7 ans, il m’apprend à pêcher. Je découvre à ses côtés qu’il n’y a pas d’ennui lorsqu’on est avec la Nature, car elle nous enseigne tout ce que nous devons connaître de nous.

Je suis assise à ses côtés et je le regarde de tout mon jeune Être. Je vois sa peau rouge, les plis dans son cou, son crâne chauve, le bombé de ses yeux,  ses paupières étrangement dépourvues de cils.

Son nez est fort et aquilin, et sa bouche lippue émet de petits bruits lorsqu’il cherche ses mots. Sa voix est chaude et rauque et il parle avec un fort accent américain . Dieu que j’aime ce que je vis, Monsieur Ben est là, pour moi.

Il a fini de me montrer comment on monte une ligne et comment on place un vers au bout de l’hameçon .

Pour la première fois de ma vie, je me jette dans ses bras et je serre les miens autour de son cou. Il es temps pour moi de le laisser partir et c’est le long de la berge qu’il s’enfonce dans la nature.. J’entends les tambours monter des profondeurs de la terre et rythmer ses pas. J’entends le chant que je chante lorsque je frappe le tambour. Je comprends la richesse de ces rencontres qui ont marqué mon enfance.

Je remercie Le Créateur qui organise au nez et à la barbe de l’ego ces rendez vous karmiques, ces retrouvailles hors de l’espace et du temps, et je le remercie lui, Monsieur Ben, du fond de mon coeur, car il m’a retrouvée pour que je me souvienne qui Je Suis.Un instant il s’arrête. Il ôte sa casquette et gratte son crâne du bout de ses ongles longs. Il dit « Oui » d’un air détaché mais complice et puis..il disparait.